Saturday, August 11, 2007

Présentation du livre : “Targeting Iran” (L’Iran dans le colllimateur)

Par Khatchig Mouradian
Traduction Louise Kiffer
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=34290

“Ne posez pas de question sur la moisson, mais sur le labourage” dit un proverbe chinois. Dans le livre L’Iran dans le collimateur) le journaliste David Barsamian, qui a reçu un prix, suit ce conseil. Il demande à ceux qu’il interview, Noam Chomsky, Ervand Abrahamian et Nahid Mozaffari, tout ce qui concerne le labourage et les semailles qui ont culminé dans la diabolisation de l’Iran par les U.S. depuis la Révolution islamique de 1979, et vice-versa.

Certaines des interviews du fondateur d’ Alternative Radio et directeur David Barsamian, ont été publiées exclusivement dans Armenian Weekly, y compris une interview du rédacteur en chef d’Agos Etyen Mahcupyan dans le numéro de Weekly du 14 juillet. Ses auditeurs et lecteurs savent à quoi s’attendre : des questions claires, franches, souvent précédées d’une information sur le contexte - et pour emprunter une fois de plus une image agricole - et sur les semailles dans les subtilités et les complexités d’une région qui a longtemps souffert aux mains de ceux qui se prosternent devant les autels d’une extrême simplification, de la banalisation, de la décontextualisation et autres.

Dans son introduction, Barsamian relate une brève histoire de l’Iran et des relation U.S- Iraniennes. Il conclut en citant les vers favoris du lauréat du Prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi, qui sonnent si juste par rapport à la politique étrangère U.S. de même qu’à l’état actuel des affaires de l’Iran :

S’il n’y a pas de justice,
Alors ceux qui en sont privés
Pourraient un jour descendre dans la rue et se soulever.
(Hafez, un poète persan célèbre du 14ème siècle).

La première interview - la plus courte des trois - est avec Noam Chomsky que Barsamian a interviewé une douzaine de fois, donnant lieu à cinq livres Chomsky/Barsamian.

Chomsky, parlant de la politique U.S. relative à l’Iran, démontre la logique auto destructrice de préemption “Selon les standards U.S., l’Iran devrait commettre des actes terroristes aux Etats Unis”, dit-il. “En fait, en adoptant les standards U.S. nous devrions être en train d’exiger qu’il le fasse. Ils sont très au-dessous d’une plus grande menace que n’importe laquelle jamais évoquée par Bush ou Blair, et cela est supposé autoriser ce qu’ils appellent l’autodéfense d’anticipation, autrement dit l’attaque.”

Parlant de la reprise par l’Iran de l’enrichissement de l’uranium, Chomsky dit : “Faites [seulement] une recherche dans les médias et voyez avec quelle fréquence il a été mentionné que quand l’Iran a recommencé à enrichir l’uranium, c’était après que les Européens aient rejeté leur participation au marché, à savoir, de donner des garanties fermes sur les questions de sécurité”. Il accuse alors la presse qui savait que les Européens faisaient marche arrière - sous la pression U.S. - mais avait choisi de ne pas en parler.

L’interview de Chomsky est centré sur l’Iran, mais - oh surprise ! - son analyse et ses exemples sont des montagnes russes qui nous mènent des USA en Amérique du Sud, puis en Europe, en Palestine, en Irak, en Chine, couvrant presque un demi siècle. Toujours à l’aise et au mieux de sa forme avec Barsamian, Chomsky sort des exemples et des arguments de ses souvenirs, avec l’adresse d’un magicien expérimenté qui tire de son chapeau des objets de toutes sortes, laissant son auditoire impressionné. Cependant, l’interview aurait eu intérêt à être complétée par quelques notes de bas de pages, donnant une information précise, par exemple des pourcentages, quand Chomsky dit : “J’ai oublié le nombre exact, mais je pense qu’elle [la Chine] reçoit 10 à 15 pour cent de ses importations d’énergie de l’Arabie Saoudite”. Ou quand il dit : “ Il a eu [Moqtada Sadr, un politicien chiite irakien ecclésiastique opposé à la présence U.S.] je crois environ 50 pour cent de voix dans les dernières élections législatives.”

Fournissant un contexte global historique, Chomsky met en scène l’histoire arméno-iranienne par l’examen approfondi, du professeur Ervand Abrahamian, de la structure politique de l’Iran et de la confrontation aujourd’hui U.S.-Iran, en insistant sur la question nucléaire.

“Si les Iraniens sont victimes de frappes aériennes, ils les rendront là où ils auront la haute main, aussi bien en Irak qu’en Afghanistan” , dit Abrahamian.

Il est évident qu’ils ne vont pas attaquer les Etats Unis, ni Israël, quoique les gens aient ce point de vue paranoïaque à ce sujet”, ajoute-t-il.

Abrahamian soutient que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad défend le déni de l’Holocauste et appelle à la destruction d’Israël pour faire un pont par-dessus l’écart entre les Sunnites et les Chiites et pour “favoriser le soutien arabe”. Il dit que cette rhétorique ne résonne pas en Iran autant que dans les rues arabes.

Interrogé au sujet de la connexion de Téhéran avec le groupe armé chiite libanais du Hezbollah, Abrahamian dit que l’Iran n’utilise pas ce parti pour menacer Israël. “Une erreur majeure que les Israéliens sont en train de faire est de penser que le Hezbollah est si étroitement lié à l’Iran que sitôt que les U.S. attaqueront l’Iran, l’Iran va automatiquement utiliser le Hezbollah contre Israël.

Je ne pense pas que cela se prépare”.

En lisant les deux premières interviews, le lecteur a l’impression que le livre a un regard critique sur la politique étrangère U.S., avec un très petit aperçu de la dynamique interne de l’Iran. Puis c’est l’interview de l’historienne Nahid Mozaffari, native d’Iran. Elle et Barsamian emmènent le lecteur dans un voyage de la vibrante vie littéraire d’Iran (oui, ils ONT une littérature) depuis le début du 20ème siècle jusqu’à ce jour ; de la poésie aux romans et aux mémoires ; des dissidents aux voix féminines. Elle fait remarquer comment les écrivains iraniens, qui visitent les Etats Unis, sont traités de “cobayes des Droits Humains”, mais aussi elle s’étend sur la censure, l’oppression et la persécution subie en Iran, ainsi que la montée des bloggers. Nahid Moraffari traite en détail des questions féminines (divorce, droits de garde, le droit de propriété, les codes vestimentaires, etc...). Elle parle aussi du développement du cinéma après la période 1979 et la répression des groupes rock et des rappeurs sous le gouvernement d’Ahmadinejad .

“Les conservateurs islamistes considèrent les développements de la société civile comme menaçants et susceptibles de manipulation étrangère” explique Nahid Mozaffari.

L’un des principaux messages du livre est le passage de conclusion de cette dernière interview. “Cette ferme résolution de ceux qui désirent changer l’Iran par l’intérieur, accompagnée de leur détermination aussi solide [des Iraniens] à être indépendants de toute pression extérieure et de toutes manipulations, devrait servir d’avertissement sévère aux U.S. et aux autres Etats qui envisagent une quelconque action militaire contre l’Iran.”

http://www.hairenik.com/armenianweekly/fea08110703.htm
David Barsamian est le fondateur et le directeur d’Alternative Radio www.alternativeradio.org

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